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Rythme, Travail et Design

Quel lien existe-t-il entre le travail, le rythme et le design ?

L’humain est confronté à une multitude de rythmes tout au long de sa journée. Des rythmes qui lui sont propres tels que les rythmes ultradien, circadien ou encore infradien, mais aussi des rythmes externes : le rythme des transports, le rythme du travail qu’il occupe, mais aussi les rythmes de ces congénères.
Pour s’inscrire dans un système social, se synchroniser avec autrui est indispensable, mais pour le bien-être personnel, prendre en compte et respecter son propre rythme est essentiel. 

La révolution industrielle et sa cadence ont laissé une empreinte forte sur ce que nous appelons aujourd’hui le rythme de travail. 
Or, le rythme caractérise le vivant, et la cadence est l’apanage de la machine. Le rythme est une alternance de temps courts et de temps longs, c’est l’art d’être irrégulier dans la régularité. La cadence est implacable, régulière, la machine s’y soumet ou se brise. 

De nos jours, le rythme du travail peine à se synchroniser avec notre rythme biologique. En effet, de par nos outils numériques, nous acquérons le don d’ubiquité. Nous pouvons être partout à un même instant, tant qu’une connexion internet est disponible. Avec ce don, nous assistons à la disparition de la frontière entre temps de travail et temps libre, nous pouvons travailler partout, tout le temps.

Mes recherches ont pour but de donner des outils aux travailleurs pour qu’ils aient conscience de l’importance qu’a le rythme sur leur bien-être. Qu’ils puissent le contrôler, le visualiser, le partager et ainsi rétablir des frontières entre leurs différents temps de vie.

Time Line du projet :
Découvrir:
Entretiens
Pour commencer mes recherches, j’ai souhaité rencontrer des travailleurs de différents horizons pour les interroger sur leur rapport au rythme. J’ai préparé un questionnaire et réalisé une dizaine d’entretiens d’environ 1h auprès d’employés du secteur public et privé, d’autoentrepreneurs, d’intermittents du travail et de chefs d’entreprises. 
Il était important pour moi de rencontrer des personnes et de recueillir leur point de vue, pour confirmer ou infirmer mes intuitions et surtout pour nourrir mes recherches de leurs expériences et ressentis. Je souhaitais que mon travail repose sur des problématiques réelles pour que mon projet trouve un ancrage concret.
À la suite de mes entretiens, j’ai compilé les données récoltées et les ai mises en page, de manière à avoir une vue globale et exhaustive sur ce que je devais retenir de mes échanges.

Élaborer les outils adéquats :
Créer des personas

Pour poursuivre mon projet, j’ai créé cinq personas. Ces personas sont inspirés des actifs que j’ai rencontrés en entretiens et représentent chacun un groupe d’individus qui partagent des caractéristiques, et des aspirations communes. Chacun d’entre eux est caractérisé par un descriptif de son mode de vie me permettant d'ancrer dans un environnement cette personne, ses ressentis autour de son mode de vie, les rythmes auxquels elle est confrontée, et ses attentes pour que je puisse soulever des problématiques qui lui correspondent.
Sélectionner et analyser :
Utiliser les personas

Pour compléter mon analyse via mes personas, j’ai créé pour chacun d’entre eux leur emploi du temps type de la journée de travail. Sur la time line les temps libre et temps contraints son représentés différemment. J’ai également qualifié chacun des rythmes associés a chaque persona : rythme fractionné, dépendant d’un autre, décalé, dépendant d’un lieu, ou libre. Les qualifier m’a permis de leur affecter des caractéristiques et des contraintes propres. J’ai essayé d’avoir dans ces cinq rythmes un panel représentatif des principaux rythmes de travail existant.
Création d’outils de visualisation :

Pour que mon analyse soit encore plus communicante, j’ai créé mes propres outils de visualisation avec ces graphiques. Ces derniers reprennent les emplois du temps des personas en leur rajoutant la caractéristique « ressenti  de contrainte ou de liberté ». En effet un temps libre peut paraitre contraint et inversement en fonction de la situation et du persona. Ces données graphiques m’ont permis de visualiser les différences de ressenti d’un persona à l’autre et d’entrer plus en détail dans l’expérience personnelle du rythme de chacun.

Analyser :
Utilisation d’outils de visualisation

Pour conclure cette analyse, j’ai comparé les courbes de ressenti de mes personas et en ai tiré des conclusions :

• Une meilleure séparation des temps chez les hommes.
• Un ressenti qui semble se dédoubler chez les femmes avec le poids de la charge mentale du travail domestique ou de la gestion du rythme de l’enfant.
• Un ressenti plus modéré pour les femmes autour de la liberté dans leur rythme, dû à une moins bonne compartimentation des temps.
• Un rythme plus saccadé avec plus de variations du côté des femmes. 
Cette analyse m’a permis de mettre en lumière différents points à creuser : le lien entre charge mentale et rythme, les bénéfices de la compartimentation des rythmes et donc l’importance de la mise en place de frontières entre temps de travail et temps libre pour se libérer du sentiment de contrainte.
J’ai également pu identifier les enjeux principaux qui correspondait à chaque type de rythme et ai pu placer sur le schéma suivant les besoins et les manques qui font lien entre mes acteurs et leurs enjeux.
Grâce à ce schéma, j’ai pu me rendre compte que certains besoins étaient partagés par plusieurs de mes personas. Cela m’a permis de m’orienter vers mes premières pistes de recherches.
S’adapter et préciser : 
Changement de contexte

L’arrivée du confinement a bousculé le rythme de tous et toutes. Pour réorienter mes recherches dans ce contexte inédit, j’ai décidé de requestionner les problématiques de rythme de chacun de mes personas à différentes échelles.

À l’échelle individuelle avec les problématiques spécifiques de chaque persona.
Mais aussi à une échelle plus globale en ouvrant mes recherches aux problématiques de rythme engendré par le confinement et la crise sanitaire. 
Ces deux échelles me permettent de dégager de nouveaux angles pour aborder ma problématique et l’ancrer dans un contexte actuel. Pour rediriger mes investigations, j’ai posé sur papier l’ensemble de mes premières analyses en prenant les quatre types de rythmes que j’ai identifiés (voir schéma suivant). J’ai ensuite listé et compilé le maximum d’initiatives d’organisation communes mises en place suite à la crise. En effet cette dernière a eu pour effet d’engager une synchronisation des rythmes individuels pour créer du commun.
Rechercher :
S’autoriser à aller plus loin pour changer d’angle.

Les nombreuses initiatives d’organisations communes m’ont poussée à m’intéresser aux formes d’organisation d’habitat et de travail en commun, qui ont existé et qui sont en place actuellement. En effet ces organisations sont pour moi en lien direct avec ma problématique des frontières entre temps de travail et temps libre (qui fait partie du temps à domicile). Des principes d’organisation aux exemples concrets j’ai voulu en savoir plus sur le fonctionnement de ces organisations pour comprendre leurs raisons d’être. 
Ces recherches ont nourri ma réflexion. En effet, j’ai retiré de cette veille l’importance qu’a le lien social dans la vie de tous les jours, mais aussi dans le travail. Le confinement exacerbant le manque de lien, le travail a du faire face à de nouvelles problématiques, et l’organisation du quotidien en a été bouleversée. Le lien social questionne la synchronisation ou la désynchronisation des relations de plusieurs individus. Ainsi, mes recherches, à la base centrées sur la gestion d’un rythme individuel se sont enrichies d’une caractéristique : faire frontière entre son rythme de travail et de temps libre tout en prenant en compte les rythmes communs.
Pour y répondre, j’ai pu commencer à orienter mes recherches vers trois pistes :
Expérimenter :
Confronter les personas aux propositions émises.

En croisant mes personas et les trois axes identifiés, j’ai pu réaliser un cahier d’idées qui fait correspondre les besoins de mes personas et des pistes de solution s’inscrivant dans chacun des axes.
Élaborer des outils pour choisir :
Classer et qualifier

J’ai ensuite classé mes idées selon plusieurs critères pour avoir un regard critique sur ces propositions et m’aider à faire un choix. Le diagramme m’a aidé a qualifier chaque proposition et à repérer les propositions qui se regroupaient et pourraient peut-être se combiner. 
Ici on distingue travail et emploi. Le travail étant une activité organisée de transformation du monde et l’emploi étant une situation qui relie un travailleur à une organisation par laquelle transitent des revenus et des garanties sociales.
Proposer :
Inscrire les propositions dans l’actualité du design

Travailler depuis son domicile implique de se créer des limites claires entre son temps personnel, son temps de travail et son temps familial. Ces ruptures peuvent être facilitées par des ruptures spatiales. Pour cette piste je propose de questionner l’espace de travail au sein du domicile.
Développement :
La question du rythme de travail dans un espace personnel et/ou partagé.
Comment rythmer sa journée et mettre des frontières entre temps de travail et temps libre ?

Contextualiser une proposition:

Pour développer ce deuxième projet qui consiste à rythmer un espace qui n’est pas que dédié au travail (télétravail, travail dans un coworking), j’ai décider de lister les objets ce trouvant généralement dans ces espaces. Ces objets m’aideront à définir un ancrage pour mon produit.
J’ai ensuite attribué des catégories à chacun de ces objets. 
Puis j’ai sélectionné ceux qui me paraissaient avoir des caractéristiques qui pouvaient nourrir mon projet : être des objets frontières ou/et qui agissent sur le rythme.   
J’ai décidé d’utiliser les objets marqueurs de temps : l’horloge et la lumière (action sur le cycle circadien), pour agir sur l’environnement et ainsi faire frontière entre les rythmes de travail et de loisir.
En effet, la lumière peut délimiter un espace en changeant l’atmosphère colorée qui s’y trouve. Elle peut favoriser la concentration par le contrôle de l’intensité et de la couleur. Elle peut également agir comme signalement à autrui qu’il ne faut pas nous déranger pour l’instant.
J’ai réalisé une planche de tendance autour de l’univers du bureau, de la lumière pour avoir un répertoire de formes et de matières inspirant.
Les formes tubulaires, rondes, le mouvement d’inclinaison et de basculement ont guidés mes recherches de produits tout comme les jeux d’opacité, de transparence, et de réflexion de la lumière.
Développer :
Premières esquisses
Produit final :
Mise en situation :
Conclusion :

Cette période de confinement a particulièrement bouleversée les rythmes collectif et individuel. Les manières de travailler ont du se transformer et les travailleurs s’adapter. 
Après cette crise, le travail nomade va surement se développer : le télétravail, le travail en espace de coworking, le travail hors des bureaux. Pour remettre l’espace de travail à sa place, de nombreuses solutions sont à envisager et le design peut actionner certains leviers. En design d’espace avec le micro et macro zoning, et l’étude des flux de passage qui rythment un lieu. En design d’interaction en développant des outils pour rythmer les échanges à distance et maintenir le lien humain entre les collaborateurs. En design de service pour développer des usages pour valoriser les rythmes du commun et la solidarité. En design de produit à l’échelle individuel pour apprendre à gérer son rythme et à collaborer en prenant en compte le rythme des autres. Ces solutions s’appuyant sur le rythme peuvent très bien s’adapter aux conditions de travail classique. En effet, travailler en respectant son rythme et celui des autres doit être possible dans toutes les conditions de travail pour s’assurer du bien-être des travailleurs. Là aussi le design à sa carte à jouer en appliquant ces méthodes agiles pour transposer des usages d’un contexte à un autre.  Au sein d’une entreprise, le designer peut faciliter le travail de ses collaborateurs par des outils, mais également des méthodes et des procédés organisationnels.  Ainsi le role du design sur le rythme du travail se situe à deux niveaux.  Une aide à sa conscientisation et à aa compréhension. Un levier d’action sur ce dernier pour le gérer et ainsi résussir à faire frontière entre son temps de travail et son temps libre.

Rythme, Travail et Design
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